Les arts mar­tiaux internes chi­nois (nei jia quan) ont tou­jours sou­li­gné les bien­faits pour la san­té, qui découlent natu­rel­le­ment de leur pra­tique régu­lière. Il n’est pas inha­bi­tuel en Chine d’entendre les ensei­gnants affir­mer que les arts internes se pra­tiquent à hau­teur de 50% pour la san­té et de 50% pour l’autodéfense. Bien que ces pro­por­tions puissent varier selon les indi­vi­dus et les cir­cons­tances, il y a un consen­sus quant à l’existence d’un lien inex­tri­cable entre l’aspect san­té et l’aspect auto­dé­fense de ces arts.

A un niveau très basique, cette dyna­mique semble évi­dente dans les pra­tiques de res­pi­ra­tion et d’alignement cor­po­rel, qui sont les fon­da­tions des arts mar­tiaux internes. On dit de ces pra­tiques qu’elles sou­tiennent la san­té grâce à l’amélioration qu’elles apportent au niveau des fonc­tions cor­po­relles de base et à la résis­tance accrue qu’elles pro­curent face à la mala­die. Les mêmes exer­cices fon­da­men­taux sont uti­li­sés pour amé­lio­rer l’efficacité de la méca­nique sous-jacente aux mou­ve­ments de self-défense.

On n’insistera jamais assez sur l’importance de ces deux aspects dans les arts mar­tiaux internes. Les pra­ti­quants qui se concentrent sur l’un des aspects au dépend de l’autre échouent géné­ra­le­ment à atteindre leur but, et sont sou­vent déçus par le résul­tat de leur entraî­ne­ment. Ceux qui pra­tiquent uni­que­ment les formes et les exer­cices de qigong pré­tendent qu’ils se concentrent sur l’aspect san­té des arts mar­tiaux internes. Cepen­dant, en évi­tant la pra­tique des tech­niques mar­tiales, ils passent à côté de quelques uns des plus grands béné­fices pour la san­té qui puissent être acquis dans les styles internes.

Main­te­nir un ali­gne­ment cor­rect, un corps relaxé et un esprit calme durant la pra­tique en solo est une chose, mais on se rend rapi­de­ment compte que c’est une autre paire de manches que de main­te­nir ces qua­li­tés lorsque l’on est sai­si, pous­sé ou frap­pé. La vie ne se déroule pas dans un bocal. Le monde exté­rieur empiète sur nous constam­ment. Bruit, pas­sions, dis­trac­tions, chan­ge­ments cli­ma­tiques, emplois du temps tré­pi­dants, col­lègues ennuyeux, patron abu­sif… tout est poten­tiel­le­ment capable de per­tur­ber notre équi­libre interne et d’affecter le corps d’une manière ou d’une autre. Pra­ti­quer des tech­niques de self-défense, res­ter calme et effi­cace face à une attaque, nous pré­pare à affron­ter ces forces exté­rieures qui nous affectent si facilement.

En quelque sorte, l’entraînement avec un par­te­naire est comme un entraî­ne­ment clas­sique de ren­for­ce­ment mus­cu­laire. La dif­fé­rence réside dans le fait que plu­tôt que d’aboutir à un déve­lop­pe­ment de la mus­cu­la­ture, l’entraînement à l’autodéfense forge un corps, un men­tal et un esprit solides. A tra­vers un entraî­ne­ment cor­rect en self-défense, la résis­tance innée de l’organisme humain peut être déve­lop­pée de manière expo­nen­tielle, appor­tant des bien­faits énormes pour la san­té ; bien­faits qui sont rare­ment pro­duits par les seuls exer­cices de médi­ta­tion ou de santé.

De la même manière, pra­ti­quer uni­que­ment les aspects de self-défense en arts mar­tiaux internes peut endom­ma­ger la san­té, voir abou­tir au final à affai­blir sa propre capa­ci­té à se défendre. Iro­ni­que­ment, cela peut se tra­duire par une équa­tion d’ « auto­dé­faite ». Le dur entraî­ne­ment que beau­coup d’artistes mar­tiaux s’imposent dans le but de per­fec­tion­ner leurs tech­niques de com­bat peut ampu­ter sérieu­se­ment leur capi­tal san­té et vita­li­té, si cet entraî­ne­ment n’est pas cor­rec­te­ment contre­ba­lan­cé par le sens com­mun et des méthodes qui pro­tègent et nour­rissent la san­té (les « pra­tiques pour nour­rir le prin­cipe vital » ou yang shen).

Le sur­en­traî­ne­ment, encais­ser trop de coups et chu­ter dure­ment de manière répé­tée, subir des clés à répé­ti­tion sur les arti­cu­la­tions, cours après cours, année après année, peut cau­ser des dom­mages per­ma­nents aux arti­cu­la­tions, aux tis­sus souples du corps, aux organes et même à l’esprit. Les béné­fices de l’entraînement à l’autodéfense peuvent durer des années à condi­tion que les res­sources du corps ne soient pas dilapidées.

Au delà de ce qui a été men­tion­né pré­cé­dem­ment, il y a de nom­breux béné­fices liés à la pra­tique des arts mar­tiaux internes :

  1. Les mou­ve­ments exercent tor­sions, trac­tions, contrac­tions et éti­re­ments sur la mus­cu­la­ture externe, géné­rant un corps souple, relaxé et adaptable.
  2. En ali­gnant cor­rec­te­ment la struc­ture osseuse et les tis­sus souples, le corps devient capable de se mou­voir avec une plus grande effi­ca­ci­té. De la même manière, l’excès de ten­sion se trouve réduit, relaxant le sys­tème ner­veux grâce à une sorte de repro­gram­ma­tion neu­ro­mus­cu­laire. Ain­si, l’intégrité du corps demeure intacte lorsque celui-ci est sou­mis à un stress, pré­ve­nant par là même l’apparition de blessures.
  3. La conscience du souffle est cou­plée avec le mou­ve­ment. Res­pi­rer est l’une de nos fonc­tions les plus vitales. On peut vivre des jours sans man­ger ni boire, mais pas même quelques minutes sans res­pi­rer. Res­pi­rer de manière cor­recte peut avoir des bien­faits glo­baux sur le corps humain, accrois­sant l’oxygénation des tis­sus, abais­sant la pres­sion san­guine, amé­lio­rant la conduc­tion ner­veuse et ren­for­çant la diges­tion et le péris­tal­tisme. Une res­pi­ra­tion abdo­mi­nale libre de ten­sions détend la poi­trine, le cou et les épaules, éli­mi­nant les obs­tacles à la cir­cu­la­tion du sang et des fluides. Une res­pi­ra­tion cor­recte détend l’ensemble du corps, éli­mi­nant les obs­tacles à une mobi­li­té effi­cace du corps. Des études ont mon­tré la capa­ci­té d’une res­pi­ra­tion au rythme lent à réduire l’hypertension arté­rielle. De plus, res­pi­rer connecte la force des membres infé­rieurs, du dos et de l’abdomen, aux bras, ame­nant ces par­ties du corps à agir comme un tout et à pro­duire des actions unifiées.
  4. Les mou­ve­ments et la res­pi­ra­tion sont effec­tués de telle manière qu’ils ferment, pressent, com­priment, étirent, ouvrent et libèrent les méri­diens et les cavi­tés qui contiennent les organes. Cette action de pompe pré­vient la stag­na­tion du sang, des fluides et du Qi. Simul­ta­né­ment elle toni­fie et étire la struc­ture des tis­sus souples qui sus­pendent et main­tiennent les organes à leur place, mas­sant ces der­niers de manière efficace.
  5. Les mou­ve­ments des arts internes sont basés sur des spi­rales qui mettent en action la tota­li­té du corps. Le corps humain n’est pas de struc­ture sim­pliste, en deux dimen­sions, telle que pré­sen­tée dans les chartes ana­to­miques. Les os, liga­ments, ten­dons et muscles sont liés entre eux de manière com­plexe et selon une struc­ture spi­ra­lée. A l’intérieur de chaque mou­ve­ment se créent de grands et petits cercles et spi­rales, chaque par­tie du corps par­ti­ci­pant à l’exécution du geste à un moment pré­cis. Lorsque ces spi­rales sont cor­rec­te­ment reliées, il y a pré­ven­tion des bles­sures car aucune par­tie du corps n’absorbe à elle seule la tota­li­té d’un stress. Au lieu de cela se crée un tam­pon natu­rel. De plus, une effi­ca­ci­té et un pou­voir phé­no­mé­nal peuvent être géné­rés grâce à l’utilisation des spirales.
  6. Les arts mar­tiaux internes emploient les mêmes prin­cipes et théo­ries que la méde­cine tra­di­tion­nelle chi­noise pour com­prendre les rela­tions com­plexes qui règnent à l’intérieur du corps. En com­pre­nant ces prin­cipes, on peut pré­ve­nir les mala­dies avant même qu’elles ne se déclarent. Lini­ments, cata­plasmes, emplâtres, ain­si que nombre de thé­ra­pies phy­siques et de plantes médi­ci­nales, sont uti­li­sés pour pré­ve­nir et trai­ter les bles­sures liées à l’entraînement. Ceci per­met de pra­ti­quer un entraî­ne­ment réa­liste sans alté­rer l’intégrité physique.
  7. Des qigong sup­plé­men­taires ain­si que des exer­cices pour nour­rir le prin­cipe vital sont uti­li­sés pour amé­lio­rer et équi­li­brer l’entraînement à la self-défense. Ils peuvent être uti­li­sés pour ren­for­cer le corps de manière spé­ci­fique, afin de pré­ve­nir, trai­ter des pro­ces­sus dégé­né­ra­tifs, des mala­dies en deve­nir ou déjà décla­rées, aus­si bien que pour cor­ri­ger de mau­vais sché­mas de mou­ve­ment. Il existe un nombre infi­ni d’enchaînements pou­vant répondre à toute situa­tion envi­sa­geable. Les ensei­gnants avi­sés choi­si­ront des exer­cices appro­priés à chaque indi­vi­du, per­son­na­li­sant ain­si les rou­tines d’entraînement de manière sophistiquée.
  8. Beau­coup des mou­ve­ments basiques de self-défense et des exer­cices fon­da­men­taux qui déve­loppent les qua­li­tés d’autodéfense, sont aus­si des exer­cices qui amé­liorent la san­té. En les pra­ti­quant, le corps apprend à se mou­voir avec puis­sance et pré­ci­sion, tout en déve­lop­pant simul­ta­né­ment des qua­li­tés pour le com­bat. Ceci rend l’entraînement à la fois com­plet et efficace.

Ma propre expé­rience en tant que pra­ti­cien de méde­cine tra­di­tion­nelle chi­noise m’a mon­tré com­bien les arts mar­tiaux internes peuvent être effi­caces pour trai­ter les patients. Dans notre cli­nique de New York, mes asso­ciés et moi-même ensei­gnons régu­liè­re­ment aux patients du qigong, des exer­cices de res­pi­ra­tion Tu Na, ain­si que des exer­cices pos­tu­raux issus des arts mar­tiaux (Zhan Zhuang).

Nous avons remar­qué que les patients qui pra­tiquent ces exer­cices quo­ti­dien­ne­ment récu­pèrent plus vite de leurs bles­sures ou mala­dies, et sont moins sujets à la réci­dive. En tant qu’enseignant de Xing Yi Quan et Ba Gua Zhang, je trouve éga­le­ment que la méde­cine chi­noise ‑tuin na (mas­sage), acu­punc­ture, ostéo­pa­thie et her­bo­ris­te­rie- peut agir comme un outil pré­cieux afin d’aider les étu­diants à récu­pé­rer des bles­sures et à tra­ver­ser les blo­cages qui les empêchent d’obtenir les résul­tats escomp­tés par leur pratique.

Cette inter­pé­né­tra­tion entre les aspects san­té et self-défense est extrê­me­ment pro­fonde dans les arts mar­tiaux internes. Il s’agit pour moi de l’un des aspects les plus impor­tants des arts internes. Une vie entière de pra­tique serait trop courte pour en com­prendre toutes les subtilités.

Article de Tom Bisio tra­duit par Lumière du Tao. En savoir plus : http://www.internalartsinternational.com

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