Dans ce premier article nous avions déjà abordé Zhan Zhuang ou le travail de la posture. Zhan Zhuang est omniprésent dans les arts martiaux internes et dans les méthodes de préservation de la santé depuis l’aube des temps. On attribue cette pratique ancestrale aux premiers hommes qui, s’inspirant des animaux dans la nature, pouvaient rester de longues périodes sans bouger.

La posture Zhan Zhuang par un Grand Cormoran
Photo : Jean-Marc Fivat
Zhan Zhuang dans l’antiquité
Table des matières
Pour l’animal c’était une question de survie avant toute chose. La possibilité de « disparaître » dans le décor est une nécessité vitale dans un milieu hostile. C’est ainsi que l’on peut retrouver aujourd’hui un bestiaire complet d’animaux associés aux postures : ours, grue, tortue, etc.
Les chamanes ont également utilisé ces postures pour se connecter aux esprits des animaux totems. Par l’imitation de l’animal on peut se connecter à l’essence de l’animal pour en emprunter les attributs (ex : vision de l’aigle, force du tigre, souplesse du serpent, etc.).

Posture de l’ours dans la tradition chamanique
En rentrant dans une transe (légère ou profonde) le chamane peut « voir » une autre réalité, puisant ainsi les forces nécessaires pour un travail de guérison ou martial.
Historiquement parlant, la référence la plus ancienne à Zhan Zhuang peut être trouvée dans le Huangdi Nei Jing (黄帝内经) ou Classique interne de l’empereur Jaune, 2690–2590 av. J.C. Il est cité un passage qui met en lumière cette pratique ancestrale :
« J’ai entendu dire que dans les temps anciens, il y avait des
êtres possédant un grand esprit (des sages avec de larges
connaissances et une compréhension très profonde).Ils se tenaient debout entre Ciel et Terre, reliant l’Univers.
Ils avaient compris et étaient capables de contrôler le Yin et
le Yang, les deux principes fondamentaux de la nature. Ils
inspiraient l’essence vitale de la vie.Ils gardaient leurs esprits immobiles. Leurs muscles et leurs
chairs étaient inséparables. C’est le Tao, la voie que vous
cherchez. »
Yu, Yong-Nian, Grandir comme les Arbres, dans Arts Martiaux Tradionnels d’Asie, Paris, France, Août-Septembre 1997, p. 59. Référencé par zhanzhuanggong.
Le relâchement dans la posture : Song
Cet état de transe légère se nomme « song » en chinois. Un état de relâchement total associé à un état de vigilance (Yi) à l’image du chat qui semble endormi mais bondit sur sa proie sans effort (« Wu Wei ») si l’occasion s’en présente.

Maëlla Caro dans la posture de l’arbre (Zhan Zhuang)
La verticalité : la porte du ciel
Mais une caractéristique fondamentale nous distingue des animaux, c’est la verticalité ! En effet notre axe central est verticalisé, contrairement aux animaux qui ont les 4 membres en contact avec le sol. Cette particularité nous a donné des attributs uniques (la posture verticale nous a permis de nous servir de nos membres supérieurs pour saisir et manipulez des objets, ce qui en retour a favorisé l’évolution de notre cerveau) qui nous distinguent du règne animal.
…Tandis que la tête basse tous les autres animaux tiennent leurs yeux attaché à la terre, il a donné à l’homme un visage qui se dresse au dessus ; il a voulu lui permettre de contempler le ciel, de lever ses regards et de le porter vers les astres.
Ovide, cité dans « Vivre le Tao » de Marie Delclos
La verticalité met donc l’homme en contact direct avec les énergies du Ciel (par le sommet de la tête, d’ailleurs de nombreux points d’acupuncture sur la tête font références à des étoiles) et de la Terre par les pieds.
La Trinité : l’homme dans la nature
Cette connection unique nous permet de mieux comprendre la notion de trinité : San Ti Shi. Le Ciel/L’Homme/La Terre forment une unité fondamentale qui nous permet d’observer le jeu du Yin (Terre) et du Yang (Ciel) au sein de nos structures, qu’elles soient physiques, énergétiques, mentales et émotionnelles.
Zhan Zhuang est donc bien un héritage universel que nous avons la possibilité d’explorer à chaque instant. En Chine, cette pratique a atteint des sommets de raffinement et a été popularisée par un génie nommé Maître Wang Xiangzhai (1885–1963). Cet enseignement longtemps resté secret est un joyau unique qui fait partie de notre héritage culturel. Des générations de maîtres se sont transmis ce savoir et l’ont ainsi préservé de l’oubli.