La lune et ses secrets
La lune fascine… depuis la nuit des temps. Et les humains lui vouent un culte bien antérieur à celui du soleil. Son aspect changeant, son lien avec les saisons et sa concordance avec le cycle féminin en font un symbole très puissant dans toutes les sociétés traditionnelles.
Elle est associée aux forces de la nature, vénérée dans une grotte ou un jardin, symbolisée par une stèle, un cône, une sphère ou un croissant, et souvent associée à des animaux lunaires comme la colombe, la chouette, l’ourse, la gente ailée en général ou le lapin, le lièvre et le serpent. Tour à tour mort et renaissance, elle incarne ainsi l’aspect cyclique des forces de la vie.
Cercle et cycle
Lune, soleil, terre, œuf, fruit… Le cercle est partout dans la nature. Il est aussi un symbole extrêmement répandu dans toutes les cultures traditionnelles du monde. Cette forme est la plus simple et la plus parfaite des formes géométriques, générée par un mouvement d’expansion, sans début ni fin, sans coin ni angle. Elle symbolise donc tout naturellement l’unité, la complétude, la perfection, l’infini, l’éternité, que les daoïstes nomment Wuji.
C’est donc pour beaucoup de cultures une évidence de rapprocher le cercle de la notion de divin. Il nous relie au ciel, en opposition au carré, forme finie, qui représente la terre pour les daoïstes. Comme la tête est ronde et les pieds sont carrés. Ainsi, le cercle délimite souvent les lieux sacrés, comme les cercles de pierres des druides, le cercle magique des chamans ou les coupoles des églises et des mosquées.
Le cercle est également utilisé presque universellement pour représenter le soleil et la lune, ou des principes associés à ces corps. Le symbole astrologique du soleil est un cercle avec un point au milieu. Le même symbole est utilisé pour représenter l'or, qui est fortement associé au soleil.

La lune et le féminin cyclique
Les religions liées à la nature voient le cercle comme un symbole féminin. Le cercle peut symboliser la Terre Mère, et aussi la lune et ses cycles qui renvoient au cycle menstruel. Il représente l'esprit de l'énergie féminine, comme espace sacré d’engendrement.
Le cercle traduit aussi la notion de mouvement perpétuel de tout ce qui bouge, le voyage des planètes autour du soleil, le grand rythme de l'univers, et donc le cycle de vie : naissance, croissance, déclin, mort et renaissance. Il est lié au cycle lunaire et au rythme des saisons.
La lune, puissance de vie
Force qui fertilise et fait croître, elle permet aux plantes de pousser et aux êtres de se reproduire. Elle génère l’humidité qui fait croître les végétaux ; le soleil étant plutôt vu comme asséchant et destructeur. Dans les sociétés traditionnelles, du Groenland au Niger, en passant par les Maoris, la grossesse n’était pas due à l’homme mais au pouvoir de la lune, l’homme ne servant alors qu’à « ouvrir le passage » au rayon de lune. Gare alors au clair de lune si l’on ne voulait pas d’enfant !
Quant à la sage-femme, elle devait non seulement aider la femme à accoucher, mais avant tout faire des offrandes à la lune.
Et jusqu’à aujourd’hui, le clair de lune ne reste-t-il pas le lieu de prédilection des amoureux ?
La lune, gardienne du temps
Par son rythme alternant croissance et décroissance, la lune représente aussi l’écoulement du temps. Or, avec le début de l’agriculture vint le besoin de pouvoir programmer et organiser les cultures, en les calant sur le rythme de cette puissance fertilisante. Les premiers calendriers furent donc lunaires et le rôle du chef ou du roi était alors de surveiller la lune et d’organiser les cultures. La croissance de la lune étant vouée aux plantations et la décroissance aux récoltes. La lune est alors associée à un dieu masculin, organisateur, comme Hur chez les Chaldéens ou Sin, dieu de Babylone.
La déesse mère et le lien terre-lune
Dans de nombreuses cultures, la lune et la terre sont étroitement associées : la lune est un morceau de la terre, ou bien la terre est la fille de la lune.
La lune apparaît alors dans toutes les cultures comme la mère céleste génitrice de tous les êtres, alors que la terre est la mère terrestre permettant la matérialisation de la forme. Ishtar, Astarté, Isis, Cybèle, Déméter, Anahita, Aphrodite ont incarné cette puissance féminine.
Et dans notre culture, la Vierge Marie prolonge cette lignée des déesses mères : les vierges médiévales étaient représentées sur une lune, et on nommait alors Marie « lune de l’Église » ou « lune spirituelle »… Dans les sociétés matriarcales, la lune était d’ailleurs alors associée aux femmes célibataires, libres de suivre leurs désirs.
La lune et les lunes
Le cycle des femmes suit le cycle lunaire, et dans de nombreuses cultures, règles et lunes sont désignées par le même mot. Parce que l’écoulement du sang est ambigu (symbole de mort et de blessure, mais aussi de renaissance et de fertilité), il est souvent tabou, et la période des règles est vécue dans le retrait et l’isolement.
Aujourd’hui encore, les règles sont souvent cachées, ou mal vécues par les femmes, qui cherchent à vivre sans les prendre en compte, voire en les supprimant avec des traitements hormonaux. Pourtant, les règles sont très importantes pour les femmes, car elles permettent de nettoyer le corps, notamment de ses toxines émotionnelles.
La lune dans la tradition asiatique

En chinois, le trigramme Kan (Eau) symbolise à la fois la terre, la lune et la femme. Il représente le principe féminin yin, manifesté chez la femme (le double trait signifie le yin, le simple trait le yang), alors qu’il est caché chez l’homme : trigramme Li (feu).
Dans la tradition chinoise, la lune de la fin août, réputée la plus brillante de l'année, est célébrée partout en Chine, lors du festival de l'automne.
Elle se célèbre dans toutes les familles chinoises, qui se réunissent pour ce "jour des gâteaux de la lune". Ces gâteaux rappellent les sacrifices traditionnellement offerts dans les temples, en remerciement pour les récoltes engrangées en ce milieu de l'automne.
Sur un plan plus symbolique, la lune ne produit pas de lumière mais réfléchit celle du soleil dans la nuit. Elle est donc associée à la clarté intérieure, la réflexion, la subtilité et l'intuition.
Dans les rythmes du yin et du yang, la lune est yin, par rapport au soleil qui est yang. Mais la pleine lune symbolise le yang au sein du yin, celui qui est purifié et clarifié.
Si l'on associe cette image à la pratique méditative, la descente dans le calme et la tranquillité de notre yin permet la montée de notre "yang véritable", notre être profond clarifié et mis à nu.
Le cycle féminin et le mouvement du yin-yang
Le qi gong pour la femme peut être pratiqué en tenant compte des différences énergétiques générées par le cycle lunaire. Ceci permet d’équilibrer le Chong Mai, méridien extraordinaire dit « vaisseau de carrefour » ou « mère du sang » qui joue un rôle primordial dans la sphère gynécologique.
Alors, explorons le cycle lunaire sous l'angle yin-yang. Il peut être symbolisé par la croissance et la décroissance du Yin et du Yang dans ses 4 phases élémentaires :
Premier croissant : croissance du yang. C’est la phase préovulatoire, ou l’énergie du Bois. L’énergie de la femme croît, dynamisme et créativité sont les maîtres mots. Profitez de ce moment pour entreprendre de nouveaux projets et pratiquer des qigong dynamiques.
Pleine lune : apogée du yang. C’est la phase ovulatoire, ou l’énergie du Feu. Pour la femme, c’est une période tournée vers les autres, vers le partage. Un bon moment pour nourrir et soutenir l’existant, assumer ses responsabilités ou aboutir ses projets. Notre essence (Jing) est aspirée vers le haut dans le canal central (Chong Mai). Ceci expliquant qu’on soit alors en pleine ébullition, créative, voire franchement irritable ou insomniaque. Un bon moment pour travailler sur ses émotions et apaiser son cœur.
Dernier croissant : descente du yang. C’est la phase post-ovulatoire, correspondant à l’élément Métal. Quand l’œuf n’est pas fécondé, l’énergie mobilisée va alors pouvoir être récupérée vers les besoins personnels, pour une sexualité libérée, une créativité débridée. Le qi gong va s'orienter vers les exercices respiratoires et le relâchement.
Nouvelle lune (lune noire) : cette phase la plus yin est aussi celle des règles, correspondant à l’élément Eau. Il y a retour de l’énergie vers l’intérieur. Le Jing redescend vers l’utérus, pour déclencher les règles. La femme peut alors se sentir plus fatiguée, voire déprimée. Elle peut sentir une intensification de son intuition, un accès facilité au monde des rêves, aux forces de l’invisible. C’est un moment idéal pour l’introspection, prendre du recul et être “dans la lune”, pour accéder à son monde intérieur.
Il est aussi intéressant de noter que, même lorsque la ménopause est installée, les femmes gardent ce lien privilégié avec le rythme de la lune, mais d’une façon plus intériorisée, qui leur permet de garder une connexion plus spirituelle avec les aspects cycliques du féminin.
Se confier au clair de lune
Dans les campagnes, où les femmes restent encore connectées à la nature, leur cycle coïncide plus naturellement avec celui de la lune. Dans les villes, où ce lien avec les forces naturelles est distendu, les déséquilibres hormonaux peuvent s’installer, au risque d’être « mal lunée ».
Se reconnecter à la lune et pratiquer la méditation et le qi gong la nuit en absorbant la lumière lunaire peuvent aider les femmes à retrouver leur vitalité et leur équilibre. C’est aussi un moyen naturel pour soutenir la fertilité et réguler le cycle menstruel.
Les cycles de vie et les cycles du monde naturel sont en perpétuels changements. L'ancien meurt pour que le nouveau puisse apparaître.
Ainsi, profitez de chaque cycle lunaire pour nourrir votre lumière intérieure, régler vos rythmes et apaiser votre cœur-esprit (Xin).
Alors… bonne pratique au clair de lune.
La femme est semblable à la lune : certaines nuits, elle est d’argent, certaines autres, elle est d’or_Proverbe arménien
Sources
"Lune rouge, les forces du cycle féminin" de Miranda Gray, Macro Éditions.
"Les mystères de la femme", d'Esther Harding. Petite bibliothèque Payot.