Culture
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Ziran : la voie de la Nature

Une petite fille sur une balançoire dans la nature
Écrit par
Esprit du Qi
Esprit du Qi
Publié le
August 13, 2025

Introduction au concept de Ziran

Au cœur de la phi­lo­so­phie daoïste et cha­ma­nique chi­noise, on retrouve un concept cen­tral nom­mé Ziran 自然 (zìrán en pinyin) ou voie de la Nature (ou de la spon­ta­néi­té). Dif­fi­cile de l’ex­pli­quer par les mots, il s’a­git essen­tiel­le­ment de retour­ner à la source de notre être ori­gi­nel et de lais­ser cou­ler à tra­vers nous le grand cou­rant de la Vie qui émane du Dao d’une façon spon­ta­née & non conceptuelle (Wu Wei ou non-agir).

Nous sommes ravis de vous offrir, avec l’ac­cord de Mar­tin Boe­di­cker, auteur sino­logue & pra­ti­quant che­vron­né de Tai Ji Chuan, une tra­duc­tion qui uti­lise les idéo­grammes pour déco­der ce concept fas­ci­nant qui donne une dimen­sion plus sub­tile à la pra­tique du Qi Gong, Tai Ji Chuan, médi­ta­tion… Nous le remer­cions vive­ment pour son auto­ri­sa­tion à par­ta­ger son article.

Trouver le naturel

L’un des concepts essen­tiels du Tai Ji Quan, dont l’im­por­tance est répé­tée inlas­sa­ble­ment, est le natu­rel. Par exemple, Wu Ying­hua dit : (Ma, p. 24)

Que ce soit dans une forme ou dans les pous­sées des mains, tout mou­ve­ment doit être naturel.

Il est aus­si habi­tuel de contraindre le natu­rel de la res­pi­ra­tion. Dans une inter­view dans Jour­nal Mar­tial Arts, (p. 8), Ma Yue­liang répond à la ques­tion deman­dant si l’é­tude du Tai Ji Quan est asso­ciée à une tech­nique res­pi­ra­toire spécifique :

Non. Res­pi­rez seule­ment naturellement…

Ma Jiang­bao confirme qu’au lieu de contrô­ler le souffle ou d’a­jus­ter le mou­ve­ment à la res­pi­ra­tion, on doit res­pi­rer comme à l’or­di­naire pen­dant l’ap­pren­tis­sage de la forme de Tai Ji Quan. La res­pi­ra­tion pro­fonde et com­plète s’ins­tal­le­ra avec une pra­tique régu­lière et le souffle s’a­jus­te­ra alors ensuite natu­rel­le­ment aux mou­ve­ments. (Ma, p. 53)

Tou­te­fois, les étu­diants de Tai Ji Quan, en par­ti­cu­lier les étu­diants occi­den­taux, réagissent avec un mélange d’a­mu­se­ment et de désar­roi face aux dif­fi­cul­tés dans l’exé­cu­tion d’un mou­ve­ment quand on leur conseille de l’exé­cu­ter « com­plè­te­ment natu­rel­le­ment ». Ceci est géné­ra­le­ment attri­bué à une incom­pré­hen­sion basée sur l’i­gno­rance du sens pro­fond du concept chi­nois de Ziran.

L'étymologie de Ziran 自然

En Tai Ji Quan, Ziran est tra­duit par « natu­rel ». Mais Ziran est un concept qui a un sens à la fois com­mun et phi­lo­so­phique.

Idéogramme de zi et ran
L'idéogramme chinois de Ziran

Ziran est un mot com­po­sé des deux idéo­grammes chi­nois Zi et Ran . Lit­té­ra­le­ment, la tra­duc­tion simple com­prend le mot comme une com­bi­nai­son de ces deux carac­tères. Un dic­tion­naire nous dira que « Zi » signi­fie « soi » et Ran « ain­si » (ou éga­le­ment « cor­rect » note du tra­duc­teur). Littéralement, Ziran signi­fie donc « soi ainsi ».

Cette tra­duc­tion est plu­tôt simple et elle doit indi­quer l’i­dée ori­gi­nelle qui sous-tend le concept de Ziran.
Dans une entrée plus large du même dic­tion­naire, nous trou­vons la tra­duc­tion de Ziran par : « nature, natu­relle, par lui-même, lais­ser quelque chose suivre son cours naturel. »

Ziran peut donc sim­ple­ment être l’é­qui­valent de nature, mais il indique aus­si la nature inté­rieure de tout être ou chose qui est soi-même.
Si l’on étu­die l’his­toire de la phi­lo­so­phie chi­noise, on trouve la pre­mière uti­li­sa­tion du concept de Ziran dans le Lao­zi, dans le Zhuang­zi, dans le Canon mohis­tique, ain­si que dans le Xun­zi (voir aus­si Röl­like).

Le concept de Ziran fut déve­lop­pé en réponse à la ques­tion « Qu’est-ce que le Dao ? » expliqué par Lao­zi dans le ver­set 25 du Dao De Jing :

L'Homme suit la loi de la terre,
La Terre suit la loi du ciel,
Le Ciel suit la loi du Dao,
Le Dao suit la loi de Ziran.

Bauer traduit l’ex­pres­sion Ziran par : « qu’il en soit ain­si par soi-même ». Utilisée pour la pre­mière fois par Lao­zi, elle ren­voie à la struc­ture du Dao, qui ne peut être défi­ni par rien d’autre » (Bauer, p. 202).

À l’in­té­rieur de la tra­di­tion daoïste, ceci implique que par le retour vers la nature, on peut se rap­pro­cher du Dao. En obser­vant et en imi­tant la nature et à tra­vers le rejet de la culture humaine, on peut par­faire sa propre nature.

u second et troi­sième siècles ap. JC, ces idées vont chan­ger : il ne s’a­git plus de recher­cher abso­lu­ment le Dao dans la nature, mais bien plu­tôt à l’in­té­rieur de soi-même, vu comme un miroir du Dao.

C’est uni­que­ment par la connais­sance de soi-même, à tra­vers toutes les expres­sions et acti­vi­tés de la vie, que l’on retrouve les carac­té­ris­tiques déci­sives du natu­rel et de la liber­té qui peuvent être trou­vées dans la nature et le Dao tout comme dans l’être humain idéal ou par­fait. » (Bauer, p. 203)

Ziran dans la pratique du Tai Ji Quan

Selon Wu Ying­hua, la recherche du natu­rel peut s’ex­pli­quer en fai­sant réfé­rence à l’o­ri­gine de nom­breux mou­ve­ments du Tai Chi Chuan dans les arts mar­tiaux tra­di­tion­nels chi­nois. Ces mou­ve­ments furent déve­lop­pés en accord avec la phy­sio­lo­gie humaine et les lois de la nature.
Dans le Tai Ji Quan, on dit :

Shen xin ziran : le corps et le coeur/esprit sont naturels.

À tra­vers le calme des mou­ve­ments et la tran­quilli­té dans le cœur/esprit (xin), le pra­ti­quant de Tai Ji Quan doit trou­ver et ché­rir le naturel.
Cette forme de natu­rel fait réfé­rence au corps et à l’es­prit, elle n’est pas sup­po­sée être auto­ma­ti­que­ment là mais a besoin d’être recher­chée et entre­te­nue, dans un pro­ces­sus conti­nuel. Ceci devient évident quand Ma Jiang­bao (Ma, p. 53) dit au sujet de la pra­tique res­pi­ra­toire dans le Tai Ji Quan :

Même si la res­pi­ra­tion ne doit pas être diri­gée consciem­ment, la res­pi­ra­tion ne peut être cor­rec­te­ment exé­cu­tée que si la pos­ture du corps est cor­recte : pos­ture sus­pen­due de la tête, sus­pen­sion du coc­cyx, éti­re­ment du dos, détente des épaules, des coudes et de la zone pelvienne.

Ce sont les pre­mières condi­tions, qui pour beau­coup de per­sonnes ne sont pas don­nées d’elles-mêmes, mais qui doivent être maî­tri­sées et entre­te­nues à tra­vers la pra­tique régu­lière du Taijiquan.

Sources

  • Bauer Wolf­gang, Chi­na und die Hoff­nung auf Glück, DTV, Munich 1989 (Chi­na and the Hope for Happiness).
  • Das neue chi­ne­sisch-deutsche Wör­ter­buch, The Com­mer­cial Press, Kong Kong 1989 (The New Chi­nese-Ger­man Dictionary).
  • Ma Jiang­bao, Tai Chi Chuan, Mach : Art, Ratin­gen 1998.
  • Mar­tial Arts, Heft No. 8, Mar­tial Arts Ver­lan, Stelle-Wit­ten­wurth 1986.
  • Rol­like Her­mann-Josef, Der Urs­prung des Ziran-Gedan­kens in der chi­ne­si­schen Phi­lo­so­phie des 4. und 3. Jh. v. Chr. Europäiche Hoch­schul­schrif­ten : Reihe 27,
  • Asia­tische und Afri­ka­nische Stu­dien, Bd 51, Hei­del­berg, 1994. (The Ori­gin of the Ziran Idea in Chi­nese Phi­lo­so­phy in the 4th and 3rd Cen­tu­ry B.C). Ein­ges­tellt von MB um 13:21
  • Mar­tin Boe­di­cker est un étu­diant de longue date de Ma Jiang­bao, le fils de Ma Yue­liang et Wu Ying­hua. Il a obte­nu une maî­trise en sciences de l’A­sie de l’Est, a ensei­gné un sémi­naire sur « Visua­li­zing Chi­nese Thin­king Struc­ture » à l’U­ni­ver­si­té de Wit­ten pen­dant six ans. Il publie des livres et des articles sur le Tai Chi Chuan et la phi­lo­so­phie chi­noise. Il vit à Willich, en Allemagne.

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