Les jours et les heures passent, au rythme de l’éclair, et souvent la sensation de ne pas avoir vécu, de s’être fait « dévorer » par le temps. Pourtant, chaque jour passé ne se représentera plus…
Frustrations, dépression, viennent de cette sensation diffuse de ne pas se réaliser, de ne pas être dans son axe, mais tiraillé et constamment dévié de sa route. La méditation peut nous aider à vivre pleinement l’instant et à se (re)sentir vivant.
Un enfant concentré sur son château de sable, un chat prêt à bondir sur sa proie, eux savent, naturellement, être présents.
Pourquoi est-ce donc si difficile, pour nous autres êtres humains « super évolués », d’être dans le moment présent ?
Revenir à son être véritable, « l’être essentiel », comme le nomme Graf Dürckheim, au-delà des surajouts culturels, éducatifs, et sociaux, voilà sans doute notre vrai besoin.
Ta vie n’est pas tapie dans l’avenir comme un destin ou un fauve menaçant. Ni cachée dans le ciel comme un paradis ou une promesse. Ni enfermée dans ton passé comme dans une prison. Elle est ici et maintenant : elle est ce que tu vis et fais. André Comte-Sponville
On retrouve des pratiques méditatives dans les principaux courants spirituels, d’Orient comme d’Occident. Comme une nécessité pour tout être humain, quelle que soit sa culture ou ses croyances, de chercher à se connecter au mystère de soi et de la vie.
Aujourd'hui, après de nombreuses études sur les bienfaits de la méditation sur le corps, le cerveau et le psychisme, la pratique de méditation (Pleine conscience ou MBSR, développée par l'équipe de Jon Kabat Zinn), est devenue un outil thérapeutique incontournable, utilisé dans les hôpitaux notamment.

Les freins à la méditation
Nous sommes souvent envahis et mus par le désir, l’aversion, les regrets, le passé ou les objectifs futurs. Tous ces états alimentent notre mental d’une nourriture à ruminer, et nous font sortir ainsi de nous-mêmes. Nourrissant notre ego, ils nous maintiennent dans le passé, ou nous envoient vers le futur. Deux conditions qui nous coupent du présent, pourtant seul moment réel où nous existons vraiment.
Quand je mange, je mange. Quand je dors, je dors ! Dicton Zen
Exprimant ainsi la recherche du Zen : pas de croyance, mais de l’expérience et l’attention à ce qui est. Cette vision du monde, au-delà de son contexte bouddhiste, peut nous aider dans la quête de la présence.
S'entrainer à vivre l’instant présent pleinement, voilà l’objectif de la méditation !
Pour cela, nous avons des outils, à disposition, à chaque instant : Revenir seulement à notre corps, notre « outil à sentir » le présent. Par les portes de nos sens, nous accédons ainsi à la réalité de chaque instant.
Nous avons tous vécu ces instants fugaces de plénitude, en respirant le parfum d’une fleur, en prenant l’être aimé dans nos bras, en contemplant un paysage ou en dégustant un bon vin. Goûter le sentiment d’être entier, nourri, enfin rassasié, baigné dans un état de félicité profonde.
Mais, comment prolonger ces instants fugaces de plénitude ? Qui se dérobent lorsqu'on les recherche à nouveau… Comment vivre le plus souvent possible dans cet état d’être, relié à soi et au monde ?
Les techniques de méditation
Le principe est de porter son attention sur l’observation de nos sensations. Mais si la recette parait simple sur le papier, l’application en est difficile ! Parce que notre mental, ce vieux singe fou nous coupe constamment de nos sens, pour nous entraîner dans les méandres sans fin de nos pensées.
La méditation nous aide à cela. Méditer c’est avant tout un entrainement à être présent, à soi, à l’instant, aux autres, au monde. La méditation permet, progressivement, de développer une plus grande conscience : le « Shen » de la tradition chinoise. Il s’agit de développer la lumière à l’intérieur de nous, pour clarifier notre être de toutes ses scories. Ne dit-on pas d’ailleurs de quelqu’un d’épanoui qu’il « rayonne » ?
Comment faire pour méditer ?
Rien ! Parce que justement, méditer, c’est essayer de ne rien faire ! Juste être attentif à ce qui est, être là, tout simplement.
Eh bien, essayons, juste une minute !
Choisissez l’un de vos cinq sens. Soyez tout simplement attentif à la sensation. Observer un paysage, respirer une fleur, écouter une musique, caresser un tissu, manger quelque chose… Soyez juste, profondément, présent à cela.
Observez ! Sans juger, comme par exemple « c’est beau, j’aime cela ! », sans étiqueter « cette fleur est une rose… », juste être présent…
Alors ? Avez-vous été présent, pendant une minute, sans pensées inopportunes, sans projections dans l’avenir ? Comment avez-vous vécu ce moment ? Ce n’est pas simple, n’est-ce pas…
L’assise, fondation de la méditation
La méditation, c’est dans la tradition taoïste :
- Être assis dans le calme – Jing Zuo 靜坐
- S’asseoir et s’oublier – Zuo Wang 坐 忘
- Entrez dans l’immobilité – Rujing 入靜
- Gardez le Un – Shouyi 守一
- Le jeûne du Coeur/Esprit – Xinzhai 心齋
S’assoir dans le calme et ne rien faire d’autre qu’être présent à soi-même puis s’oublier… C’est un rendez-vous quotidien, avec votre meilleur ami, celui que vous souhaitez vraiment rencontrer et qui sera toujours là : vous-même.
Ce qui est important, c’est que ce rendez-vous quotidien vous permettra de mieux vous connaître, de vous reconnaître, de comprendre petit à petit vos mécanismes, les émotions qui vous agitent, les pensées qui vous perturbent, les peurs qui vous restreignent.
S’asseoir, faire silence, trouver le calme et observer : vos réactions, vos émotions, votre état, tout ce qui survient. Au début, vous êtes dans la dualité : il y a vous (sujet) et ce que vous observez (votre respiration par exemple). Puis, avec répétition et pratique, progressivement, vous ne faites plus qu’un avec votre respiration, sujet et objet fusionnent, vous quittez la dualité pour vivre l’unité.

La quiétude et le silence
On ne « devient » pas calme ! Nous sommes tous calmes… sous notre agitation !
Quand vous êtes déprimé, vous vivez dans le passé. Quand vous êtes anxieux, vous vivez dans le futur. Quand vous êtes heureux, vous vivez dans le présent. – Lao Tseu
Souvenez-vous, dans le symbolisme du Yin et du Yang : le Yin est constant, stable, et à l’intérieur. Le Yang est mouvant, instable et à l’extérieur.
Le calme est votre noyau, il suffit d’enlever ce qui l’entoure pour le retrouver : quand vous cherchez le silence chez vous, vous fermez les fenêtres, coupez le téléphone et la télévision et le silence réapparaît quand le bruit diminue…
Pour retrouver la quiétude, cet état de silence intérieur, c’est la même chose, réduisons notre agitation. Mais, me direz-vous, il est plus facile d’éteindre la télé que de couper mes pensées incessantes !
Pratiquer et encore pratiquer, voilà le chemin de la méditation. Cette attention permet de nourrir le quotidien, de donner de l’extraordinaire à chaque moment de vie, puisqu’il est unique. Notre vie a la valeur que nous lui donnons. Calmer l’agitation, écouter, accueillir ce qui est, permet aussi de réduire notre stress. C'est difficile, mais vous n’avez pas appris à marcher en un jour ! Le chemin vers Soi est fait de tous petits pas.
Chaque moment de silence était un miroir où l’âme apparaissait, tantôt légère et confiante, tantôt grave et meurtrie. _Tahar Ben Jelloun
靜坐 Jìngzuò : l’art de laisser passer les nuages
Dans le taoïsme, la pratique méditative commence par Jìngzuò 靜坐 et signifie « s’asseoir dans le calme ». Cette pratique a une origine spirituelle et pour objectif la clarification de la conscience et la connexion de celle-ci avec le Dao.
Choisissez une posture confortable, assis sur le sol, jambes croisées en demi-lotus, ou sur une chaise si cela est plus confortable pour vous. Redressez votre dos, allongez le cou, fermez les yeux, rentrez dans le calme et la quiétude… et observez juste vos réactions, sensations, pensées.
Mais, dès que nous observons l’intérieur de nous-mêmes, nous nous rendons vite compte à quel point l’agitation, la confusion, les pensées parasites, les émotions nous habitent en permanence.
Le mode « chaos » apparaît tout d’abord ! Sommes-nous ce chaos, cette agitation constante de nos pensées ? Non, nous sommes celui qui observe le chaos et qui en est conscient ! Celui qui est au-delà du chaos. Plus nous méditons, plus cet être conscient, celui que nous sommes réellement, se développera en dessous de la confusion et de l’agitation.
L’objectif de la méditation est bien là : nous permettre de rencontrer notre conscience pure, telle un diamant au plus profond de nous. Mais, à l’image du diamant qui a besoin d’être extrait de sa gangue pour pouvoir briller, il va nous falloir un long chemin pour nous défaire de ce qui nous restreint, nous agite ou nous encombre.
Méditation taoïste Zuo Wang
La méditation taoïste Zuo Wang 坐忘 est une ancienne pratique transmise principalement par l’école Long Men ou Porte du Dragon. Elle permet au méditant de rentrer dans un état de relâchement profondément réparateur – Fan Song Gong – pour libérer les tensions intérieures entravant notre capacité à vivre l’instant présent dans la quiétude. Littéralement, Zuo Wang veut dire s’asseoir et s’oublier.
On oublie son moi égotique, source de nos souffrances (anxiété, culpabilité, dépression, etc.) pour faire place à notre être véritable. La pratique de « l’assise tranquille » (Jing Zuo) est un héritage essentiel de la tradition taoïste. Elle nous permet de renouer avec notre liberté intérieure originelle et de supprimer les entraves du mental, « le singe » qui bondit de branches en branches (les pensées) mais ne nous donne pas de satisfaction profonde et durable.

Les différentes techniques pour méditer
Le corps représente la base solide qui permet à votre esprit de se reposer. Afin de pouvoir explorer la méditation dans les meilleures conditions, il faut d'abord ouvrir les canaux d’énergie (méridiens d’acupuncture) et faire circuler l’énergie (Qi) de façon optimale. Des pratiques préparatoires de qi gong ou de dao yin facilitent grandement la pratique de l'assise.
La posture
Elle doit être confortable, méditer n’est pas une torture…
Vous pouvez vous asseoir en méditation sur un coussin, genoux sur le sol, ce qui permet une connexion optimale à la terre, ou bien sur une chaise. L’important étant d’être stable et confortable, la colonne vertébrale verticale, pour que vous puissiez librement respirer. Faites le silence autour de vous, et veillez à ne pas vous laisser déranger !
Étirez votre dos, alignez la tête, le cou et le dos pour vous sentir bien vertical. Puis relâchez vos muscles, notamment ceux du visage et des épaules. Les mains reposent sur les genoux ou sur votre ventre. Les yeux sont mi-clos (ou fermés si vous êtes débutant). Le regard est dirigé vers le sol, devant vous, sans se focaliser. La pointe de la langue se pose sur l’avant du palais, pour favoriser le flux énergétique de la "petite circulation céleste".
L’immobilité du corps
Le corps et l’esprit sont intimement liés : si vous maintenez votre corps parfaitement immobile, vous stabilisez automatiquement votre esprit.
C’est pourquoi on cherche à ne pas bouger du tout, une fois que l’on est installé. À chaque besoin de mouvement, on observe ce besoin, on relâche et détend le corps un peu plus.
Si des douleurs surviennent, relâchez-vous ! Observez les émotions et pensées que cela génère ! Si une douleur devient insupportable, changez alors de position en restant conscient de chaque mouvement.
La respiration
Pour rester dans le présent, l’attention au souffle est un bon moyen, car notre respiration varie, rythmiquement, et il est ainsi assez facile de la suivre, d’instant en instant, en vous focalisant sur le mouvement de votre abdomen, ou bien sur la sensation de l’air qui entre et sort à la base de vos narines. Respirer par les narines en comptant vos cycles respiratoires peut vous aider à rester focalisé pendant votre méditation.
Chaque expiration permet de vous relâcher un peu plus. Chaque inspiration vous ouvre à ce qui vient et vous rend disponible à la nouveauté du présent.
Les pensées
Quand une pensée arrive, observez-là, sans vous laisser entraîner ! Comme les nuages qui passent dans le ciel, laissez-les passer.
Quand une pensée vous emporte et que vous perdez la présence, soyez indulgent et sans jugement avec vous-même. Vous avez perdu votre attention, revenez simplement à vos sensations, reprenez l’observation du souffle. Certains jours, vous serez comme un ciel d’orage : beaucoup de nuages et d’émotions ! D'autres fois vous serez un ciel clair de matin d’été. Peu importe, vous êtes, c’est tout.
La liberté commence quand vous prenez conscience que vous n’êtes pas cette entité, c’est-à-dire le penseur. En sachant cela, vous pouvez alors surveiller cette entité. Dès l’instant où vous vous mettez à observer le penseur, un niveau plus élevé de conscience est activé. » Eckhart Tollé.
La somnolence
Méditer n’est pas s’endormir, mais au contraire devenir "éveillé". Si la fatigue vous entraîne vers le sommeil, redressez votre posture, multipliez les points d’attention, gardez les yeux ouverts ou un léger filet de lumière. Vous pouvez aussi pratiquer votre méditation en marchant ou en posture debout.
Mettre de la présence dans votre quotidien
Cultiver la pleine conscience au quotidien
Micro-méditation
Shikan ! « Rien que » en japonais.
C’est une pratique du Zen, une micro-méditation : de temps en temps, prononcez ce mot « rien que », pour vous aider à vous concentrer sur ce que vous êtes en train de faire :
- rien que prendre ma douche
- rien que peler une orange
- rien que dormir !
- rien qu’ouvrir une porte
Vivez cet instant avec vos cinq sens, intensément. Vous donnerez ainsi du relief à des instants du quotidien.
Cela vous permettra de traverser la journée comme une rivière à gué, en sautant de pierres en pierres, sans être noyé !
Être présent dans l’action

Choisissez une activité : ce peut être une activité artistique, sportive, ou simplement faire la vaisselle ou la cuisine ! Choisissez votre « Dao », votre voie.
Les Orientaux ont développé ainsi :
- Cha Dao (la voie du thé)
- Ikebana (l’art floral)
- Kyudo (tir à l’arc)
- la calligraphie
À chaque fois que vous répétez cette activité, faites-le avec le plus d’attention et de présence possible, et avec le moins d’objectifs attendus (comme : faire bien, être reconnu, être aimé). Pratiquez, c’est tout ! Cette action devient ainsi une "voie" vers une meilleure connaissance de vous-même.
Être plus présent dans le quotidien
Des méditations régulières vous aideront, au-delà de ces minutes de pratique, à éviter de vous perdre dans le labyrinthe de vos schémas mentaux et émotionnels, car elles augmenteront votre capacité de conscience.
Chaque pratique vous permet d’observer les réactions de votre ego. Dès que vous identifiez un schéma, ne jugez pas, revenez à votre souffle, et relâchez-vous. Relâcher le corps (Song) permet d’entraîner automatiquement un relâchement de votre esprit.
Souvenez-vous que les activités de chaque jour font la réalité de votre existence. "Quand je marche, je marche !" nous dit le moine zen.
Gagner en présence permet ainsi, progressivement, grâce à la méditation, de se libérer de nos conditionnements, pour retrouver notre être essentiel, celui d’avant nos « pelures d’oignons » (filtres éducatifs, schémas sociaux, familiaux, culturels).
Les bienfaits de la méditation
La méditation permet de :
- Réduire le stress et l’anxiété
- Apaiser le système nerveux et favoriser la détente
- Réguler nos cycles biologiques (sommeil, transit, etc.)
- Renforcer le système immunitaire (action réflexe du relâchement)
- Baisser la pression artérielle
- Calmer l’inflammation
Les effets de la méditation
- Retrouver votre équilibre émotionnel
- Mieux gérer les émotions
- Développer nos capacités de présence, de concentration et de prise de recul

Les risques de la méditation
Cet aspect, souvent méconnu, crée parfois de la surprise. Pourtant, cette pratique, généralement bénéfique, peut être contre-indiquée en cas de troubles mentaux ou de choc émotionnel violent. En effet, il peut parfois être trop douloureux d'aller mettre le focus sur un terrain instable émotionnellement. Si vous êtes dans ce cas, consultez toujours votre thérapeute ou psychiatre avant de vous lancer dans une pratique méditative, surtout si elle est intensive.
En conclusion
Méditer est un voyage au long cours à la rencontre de nous-même.
Vous devenez témoin du film qui se joue à l’intérieur de vous, l’important n’étant pas le film, mais ce que vous en faites, comment vous réagissez. Tout ceci vous en dit long sur vous-même ! Par la prise de conscience de nos réactions, de nos émotions, de nos pensées, nous défaisons petit à petit nos « pelures d’oignons », comme je les appelle souvent : ce qui nous attache et nous enferme, issu de nos conditionnements, habitudes, éducation, peurs… et nous donnons ainsi plus d’espace à notre être profond, pur et lumineux comme un diamant.
Revenez à cet état de pur ÊTRE où le “je suis” se trouve encore dans sa pureté, avant qu’il n’ait été contaminé par le “je suis ceci” ou “je suis cela”. _Shri Nisargadatta Mahara
La méditation est un trésor de l’humanité qui transcende les religions, dogmes et croyances. S’adressant à tous, elle est particulièrement précieuse lorsque nous devons faire face à l’adversité sous quelque forme que ce soit.
Et rappelez-vous qu’il n’y a pas de "bonne" ou "mauvaise" méditation ! Chaque jour est différent, chaque pratique vous rapproche de vous-même. Laissez passer vos pensées, vos jugements, et autres petites voix perturbatrices…
Laissez simplement passer les nuages, qu’ils soient gris et tempêtueux, ou brume légère d’été. Ainsi, jour après jour, cultivez la présence qui vous rapproche de votre diamant intérieur.
Pour en savoir plus
- Mettre en pratique le pouvoir du moment présent, de Eckhart Tolle, Édition J’ai lu.
- Comment peut-on être Zen ?, de Jacques Castermane. Édition Le Relié Poche