Dans l’enseignement du Qi Gong, je rencontre 90 % de femmes (et suis aussi une femme !), c’est pourquoi, face à leurs problématiques, j’ai voulu m’intéresser à ce sujet. Pour mieux comprendre quelles énergies sous-tendaient leur fonctionnement et quelle en était la spécificité par rapport au masculin. Je vous propose donc un voyage à la découverte du Féminin, ses paysages et ses escales. Ceci afin d’étudier notre fonctionnement physique et énergétique mais aussi symbolique et émotionnel, puis d’envisager l’intérêt du Qi Gong, en tant que pratique de prévention et d’accompagnement.
Yin / Yang…
L’immuable loi cosmique d’alternance guide tous les rythmes de l’univers. Fidèle à ce principe, l’espèce humaine s’incarne selon les deux polarités, Masculin ou Féminin. La reproduction sexuée semble en effet être la meilleure réponse en terme d’adaptation et de survie de l’espèce, puisqu’en mélangeant les gènes, elle permet la multiplicité pratiquement infinie des codes génétiques, et donc la possibilité d’adaptation de l’espèce par l’altérité. Le rythme hormonal de l’homme est linéaire, globalement tout au long de la vie. Le rythme féminin est, lui, basé sur un cercle, son rythme hormonal se modifie cycliquement, durant une grande partie de sa vie.
Différences énergétiques :
Bien sur, il y a tout d’abord la différenciation chromosomique (XX ou XY). Mais bien au delà, c’est tout un rythme énergétique et symbolique qui va en découler, et une façon différente d’appréhender le monde. « Yang émane du Ciel, son domaine est l’externe, Yin procède de la Terre, son domaine est l’interne ».Su Wen
- Ainsi la femme est caractérisée par la qualité Yin, liée à la Terre et à la matière. Elle est donc intériorisation et réceptivité, sa physiologie est liée au sang (matière, lié à la Terre). On dit qu’elle a le Yin à l’extérieur, et le Yang à l’intérieur. C’est pourquoi le chiffre 7, associé au Yang, rythme le cycle du Jing chez la Femme.
- L’homme est Yang, lié au Ciel et à l’air, et sa physiologie est associée au Qi, souffle du Ciel. Il est donc caractérisé par l’extériorisation et l’action. Il a le Yang à l’extérieur, et le Yin à l’intérieur. Le chiffre 8 associé au Yin, régule donc le cycle de son Jing.
Symbolique de l’Utérus :
C‘est l’organe majeur de la féminité (en énergétique chinoise, ce terme réunit aussi les trompes et les ovaires). Il est responsable des règles, mais aussi de la fertilité, de la conception, de la grossesse et l’accouchement. Il emmagasine le sang qui, chez la femme, domine la physiologie.
- Du point de vue de l” énergétique chinoise, « Utérus » se dit « Bao Gong » : palais du bébé et aussi « Xue Zang » : organe du sang. Corne d’abondance tournée vers le sol, l’Utérus est placé au centre du bassin et puise l” énergie nourricière de la Terre. « Entraille extraordinaire », il allie la spécificité d’un organe Yang (fonction d’évacuation du bébé et du sang) et le rôle d’un organe Yin (stockage du sang et nourriture du fœtus).
- Correspondant au Dan tian, Bao concerne l’homme et la femme, (chez l’homme c’est la « chambre du sperme »). De cette zone partent les » merveilleux vaisseaux » : l’Utérus est lié à l’avant au Ren Mai (vaisseau conception) qui distribue les énergies Yin, et à l’arrière au Du Mai (vaisseau gouverneur), qui gouverne les énergies Yang. Il est aussi au centre du Chong Mai, « Vaisseau d’assaut » qui propulse l’énergie vers la gorge, en diffusant l‘énergie ancestrale et sexuelle.
- L’Utérus est relié au Rein par le méridien de l’Utérus (Bao Luo) et au Cœur par le vaisseau de l’Utérus (Bao Mai). Son état énergétique dépend donc de la qualité de l’Essence du Rein, et du Sang du Cœur.
- Le Rein est aussi la source du Feu (Feu de Ming Men) en relation avec le Qi originel Yuan Qi. Le Feu est donc primordial pour le fonctionnement de l’Utérus : il équilibre les influences Yin et rend la conception possible. S’il est trop faible, le froid dans l’Utérus entraîne stérilité, dysménorrhées, perte de désir. S’il est excessif, on risque fausses couches, saignements trop abondants ou stérilité.
Au niveau émotionnel :
- Cette double spécificité de stockage et d’évacuation de l’Utérus lui permet à la fois de contenir (des mémoires émotionnelles comme un foie ou un rein) et d’évacuer (le « mauvais sang », mémoires, émotions négatives…)
- L’utérus conserve ainsi l’empreinte des chocs émotionnels qui peuvent se traduire en pathologie. Tout ce qui est vécu affectivement, et plus particulièrement sexuellement peut le perturber (stockage : fibrome – rejet : hémorragies). Nettoyer l’Utérus de ses mémoires émotionnelles permet de récupérer beaucoup d’énergie.
D’un point de vue symbolique :
- l’Utérus est considéré comme une porte sacrée, une voie entre notre monde et le monde invisible, entre la Vie et la Mort. On peut l’emprunter pour la naissance, mais aussi pour l’initiation et le contact avec l’au-delà de notre réalité. Par l’Utérus se crée aussi le lien avec les générations passées. Dans le chamanisme, de nombreuses pratiques rituelles sont en relation avec l’Utérus et les menstruations. (Offrande du sang, respiration dans l’organe, chants, danses, retraites en dehors de la communauté, se sont mis en place suivant les cultures et les époques).
- Au-delà de l’Utérus, le bassin est le creuset ou se cultive l’énergie, (pelvis signifie d’ailleurs « chaudron »). Le Périnée (de périnéos (péri=autour, néos=faire évacuer), garde l’entrée vers le vagin et l’utérus. Appelé « muscle des ancêtres » en chinois, c’est le lieu où se cristallise la mémoire de nos origines.
- Dans notre culture occidentale, Il existe de nombreux tabous autour de cette zone (« nerfs honteux », « veines et artères honteuses ») qui révèlent le poids symbolique de cette région, sa charge inconsciente. Zone concernée par la génitalité et la sexualité, eIle fait l’objet de nombreux rituels et transmissions mère/fille dans les sociétés primitives, et est tristement ignorée et exclue de tout geste éducatif dans notre culture.
Naître Femme offre la chance d’expérimenter cette voie de passage, d’accueil et d’évacuation. Il est donc important d’apprendre, par la conscience et la sensualité, à créer une relation forte avec son périnée et son Utérus. L’Utérus représente également la capacité à créer, à donner vie, son mauvais fonctionnement traduit souvent une difficulté à donner naissance à sa propre créativité, donc à soi et à la vie qu’on désire.
Les seins
Symbole le plus visible de la féminité, les seins ont à la fois une fonction physiologique (lactation), et une dimension vibratoire et érotique. Seins et mamelons sont directement en résonance avec le sexe féminin. Le méridien de l’Estomac ainsi que des branches du Ren Mai irriguent les seins. Quant au Foie, il est en relation avec le mamelon. Les cultures traditionnelles ont exacerbé l’aspect lié à la fécondité et à la lactation, alors que notre culture a plutôt érotisé les seins, peut-être à défaut d’avoir assumé la zone génitale féminine dans sa dimension sexuelle.
Vivre sa sexualité
« On ne peut se donner à l’autre que si l’on est soi-même quelqu’un » K. G. Dûrckheim Toute relation sexuée implique donc la capacité à se séparer pour permettre la rencontre. Le désir est force de vie, appel vers le futur qui nous fait aller vers l’avant (énergie de la Terre), et qui nous pousse aussi à avancer (énergie de l’Eau). Etre dans son désir et le respecter libère beaucoup d’énergie.
Dans le Taoïsme :
- « L’art de la chambre » ou « les jeux des nuages et de la pluie », envisagent la sexualité comme un moyen de se revitaliser et dans ce sens, elle est thérapeutique. En effet, ovaires et testicules sont des réservoirs énergétiques. Par l’attention portée aux sensations et la maîtrise respiratoire, les techniques sexuelles taoïstes tendent à recycler et transformer cette énergie, pour la faire monter du foyer inférieur vers le foyer médian et supérieur via les vaisseaux merveilleux, irriguant ainsi tout le corps et nourrissant le cerveau.
- Faire l’Amour crée alors un « corps d’énergie » entre les deux partenaires, qui se maintient par la double attention portée à ses sensations et à celles de l’autre.
- Pour l’homme, l’énergie sexuelle part du sexe et remonte vers le cœur, pour la femme, elle part du cœur et des seins, pour descendre ensuite vers le sexe. Le corps de la femme, lié au Yin, offre à l’homme un point d’ancrage à la Terre, et lui permet de s’enraciner et de se nourrir. Le corps de l’homme, Yang, permet à la femme de s’élever vers le Ciel et de se revitaliser. D’ailleurs, en Chine « faire l’Amour » se dit « Yin/Yang »…
L’ouverture à l’autre est inhérente à la nature de la sexualité féminine. La jouissance féminine est donc liée à la capacité à se détendre et à recevoir, pour ouvrir les profondeurs du Yin au masculin, et se recharger en énergie Yang. La rencontre des sexes se fait dans le vagin, mais la rencontre des énergies se situe au niveau de l’Utérus. C’est l’organe central de la jouissance féminine, creuset alchimique qui permet l’union de l’Eau et du Feu. Cette capacité à laisser monter l’énergie sexuelle est importante, son blocage engendre des pathologies (douleurs et maladies de l’utérus si l’énergie stagne au fond du vagin ; cystites et problèmes urinaires si elle remonte dans la vessie…).
Apprivoiser son corps et retrouver le féminin doit passer par la guérison de l’Utérus et de ses mémoires. L’utérus n’a pas seulement pour fonction de mettre au monde des enfants. Il représente aussi symboliquement l’énergie de créativité, qui permet d’enfanter des projets de vie. Faire face au plaisir est ainsi essentiel pour gérer son énergie, dans une relation positive à soi et à l’autre.
Le « Qi Gong de la Femme »
Mis au point par le Dr. LIU Ya Fei et utilisé dans son centre de traitement en Chine à Beidaihe, ce Qi Gong propose un travail corporel énergétique très utile pour régulariser les troubles de la Femme, notamment pendant la ménopause. Les automassages des seins, du thorax et de l’abdomen permettent de stimuler le Ren Mai (vaisseau conception), et de réchauffer la zone du Dan tian inférieur et de l’utérus en faisant circuler le Qi et le Sang. Ils harmonisent les énergies du Foie et du Ren mai, tonifient les Reins et la zone lombaire et régularisent aussi les émotions.
Des mouvements de Qi gong pour mobiliser le bassin et des visualisations permettent petit à petit de venir » habiter » cette zone du périnée et des organes génitaux. Ils sont suivis de mouvements globaux, qui vont venir mobiliser la colonne vertébrale et l’ensemble du corps. Portés par le souffle, ils permettent de relancer la circulation énergétique globale, et de réguler les désordres chroniques du dos. Au delà de l’aspect énergétique, ce qui gong permet de trouver une qualité de pratique plus Yin, de se remettre en connection avec son corps, de développer la douceur et la sensualité. S’ouvrir à soi, pour ensuite pouvoir s’ouvrir à l’autre.
Bibliographie : « Femme désirée, Femme désirante » de Danièle Flaumenbaum. Ed. Payot
Article de Maëlla Caro.